Torpille ocellée : la raie électrique !

Publié le vendredi 3 décembre 2021 par Stéphane Charles
  • Technique de pêche

 

Mathieu Courtin avec une torpille ocellée tenue avec précaution par le bas de ligne

 

La torpille ocellée est facilement reconnaissable par ses ocelles bleus cerclés de noir

 

Torpille ocellée – Torpedo torpedo 
Nom scientifique : Torpedo torpedo
Famille : Torpedinidae (torpinidés)
Noms communs : Torpille ocellée, troupiale à taches ocellée, torpille à taches, tremoulina, galina en provençal, trémula ou trimasguionu en Corse.

La torpille ocellée mesure en moyenne 60 cm une fois adulte mais certains spécimens peuvent atteindre le mètre. Son poids maximal est de 5 kg. Les mâles sont généralement plus grands que les femelles. La torpille ocellée est facilement reconnaissable par sa forme bien ronde (discoïde) et ses taches dorsales très caractéristiques. Comme son nom l’indique, ce poisson possède en effet des ocelles qui sont généralement au nombre de 5 (une série de 3 en haut du corps et 2 en-dessous). Elle peut néanmoins en avoir jusqu’à 9. Ces taches sont bleues et cerclées de noir avec une auréole externe brune. Son dos est également couvert de multiples petites taches blanchâtres. Contrairement à d’autres raies, la peau de la torpille ocellée est lisse et de couleur brun clair.

 

Gravure tirée d’Historiae Animalium de Felix Platter - 1546 / 1558 (libre de droits)

 

Le saviez-vous ?

Le nom scientifique de cette raie est directement lié aux décharges électriques qu’elle produit puisque « torpedo » signifie engourdissement en latin. Ce terme lié à ce poisson aurait été utilisé pour la première fois par le célèbre auteur Pline. Aristote en a également parlé dans son ouvrage « Sur l’intelligence des animaux ». La connaissance de ce poisson aux facultés jugées « magiques » à l’époque ne date donc pas d’hier !

 

 

Biotope et alimentation

 

Une fois ensablée, la torpille ocellée est quasi invisible : attention ! (Crédit photo Tanguy Carpaye - Wikimedia)

 

L’aire de répartition de la torpille ocellée se situe surtout en Méditerranée mais on peut également la trouver en Atlantique dans le golfe de Gascogne. Ce poisson benthique apprécie particulièrement les substrats sablo-vaseux. La torpille ocellée peut se trouver au plus près de côtes jusqu’à des profondeurs de plusieurs dizaines de mètres. Ce prédateur chasse à l’affût en s’ensablant. Enfouie dans les sédiments, elle est alors quasiment invisible et attend patiemment une proie de passage. Quand celle-ci est à portée, elle lui envoie un choc électrique qui la paralyse et elle peut ainsi la manger très facilement. Elle consomme beaucoup de poissons évoluant sur les fonds sableux tels que des poissons plats, des grondins, des rougets, des pageots, des gobies, etc. Elle peut également manger des céphalopodes ou des crustacés tels que des crevettes, des crabes, ces cigales de mer, etc. Comme toutes les raies, elle se nourrit aussi des vers se trouvant dans son biotope (ex : ver de sable).

 

 

Torpille ocellée : attention aux décharges électriques !

 

Les organes électriques se situent sur le dos et ont une forme d’haricot

 

Beaucoup de pêcheurs à l’appât ne connaissent pas la torpille ocellée. Pourtant, cette raie mérite d’être connue de tous puisqu’elle est électrique et qu’elle peut envoyer au moindre contact des décharges pouvant atteindre jusqu’à…200 volts ! En effet, cette raie a la particularité de posséder des organes électriques nommé électro-palpes qui sont situés sur sa face dorsale. Commençant sous la tête sur sa face dorsale et se situant de part et d’autre de sa colonne vertébrale, ces organes électriques sont en forme d’haricots. Contrôlés par son système nerveux central, ce sont des empilements de cellules situées sous sa peau nue qui agissent comme une batterie qui délivre des décharges électriques sous forme de brèves impulsions. La puissance des chocs électriques envoyés par cette raie va de 40 à 200 volts à une puissance de 30 ampères – ce qui est loin d’être négligeable. Ainsi, un tel courant est capable d’alimenter une ampoule électrique ! Même sans pêcher, il peut vous arriver de malencontreusement rencontrer une torpille ocellée dans quelques centimètres d’eau au bord de la plage. Ainsi Marc Puig pensait avoir trouvé un poisson plat ensablée et a cherché à s’en saisir. Il a rapidement compris en recevant des chocs électriques à quelle espèce il avait affaire ! Même en la soulevant par le ventre, il a dû subir plusieurs impulsions très désagréables pour la remettre en pleine mer.

 

Les chocs électriques de la torpille ocellée ne sont pas mortels mais restent très violents !

 

Beaucoup d’histoires ont été contées sur ce poisson au fil des siècles. Des auteurs tels qu’Aristote ou Platon en parlaient déjà dans l’Antiquité. Ainsi de l’histoire d’Anteros, esclave de Tibère en 36 après J.C. Il souffrait de la goutte et boitait. Il marcha par mégarde sur une torpille ocellée et après avoir reçu sa décharge électrique, le boiteux retrouva parait-il l’usage parfait de sa jambe malade. Une légende dont on peut bien sûr légitimement douter… Au cours de l’histoire, ce poisson fut d’ailleurs souvent utilisé pour « traiter » de nombreuses maladies. L’électricité étant mystérieuse à l’époque, on lui attribuait en effet des pouvoirs presque magiques. On l’a ainsi utilisé pour soigner les migraines en la plaçant vivante sur la tête des patients. Inutile de préciser que ce traitement était aussi barbare…qu’inutile ! On l’a même utilisé pour soigner l’épilepsie ou la surdité - avec une absence de résultats toute aussi flagrante…

 

 

Torpille ocellée : une pêche accidentelle !

 

Walter avec un mulet pris à la demi-dure qui pourra servir de vif

 

Il est évident qu’on ne peut prétendre aller pêcher spécifiquement la torpille ocellée. Ce serait péremptoire tant le fait d’en capturer est dû au seul hasard. Cette espèce ne présentant de plus aucun intérêt gustatif et infligeant des chocs électriques violents, les pêcheurs ont même tout intérêt à l’éviter ! Ce poisson pouvant s’approcher très près des côtes, il n’est ainsi pas rare d’en prendre en pêchant en surfcasting avec un traînard reposant sur le fond. La plupart des captures sont généralement effectuées sur des poissons gras (sardine, maquereaux), des céphalopodes morts (ex : petites seiches nommées aussi casserons) ou des vifs.

 

Torpille ocellée prise au vif

 

Ainsi, la plupart des prises effectuées par notre team l’ont été avec des poissons vivants initialement destinés à d’autres prédateurs (ex : bars). Après une belle pêche de mulets à la Demi-Dure, Walter Sarret a ainsi décidé d’en utiliser un de près de 30 cm pour sa pêche nocturne dans l’espoir de prendre un gros carnassier. Et même avec un vif de cette taille, celui-ci a été dévoré par une torpille ocellée – ce qui montre l’appétit gargantuesque de ce poisson ! Et de son propre aveu, il n’a pas apprécié cette rencontre tant il fut difficile de décrocher l’hameçon sans subir des décharges électriques pour pouvoir la remettre à l’eau !

 

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Torpille ocellée prise au vif par Mathieu Courtin

 

Mathieu Courtin a eu la même expérience en Corse lorsqu’il a mis en vif un mulet pris à la demi-dure Normandie Appâts. Vous noterez que connaissant la violence des chocs électriques que cette raie peut envoyer, Mathieu a bien pris soin de tenir la torpille ocellée par le bas de ligne pour la photo. La gueule et le ventre ne sont pas des organes électriques mais avec son mucus et ce poisson étant mouillé, les impulsions électriques peuvent se sentir sur n’importe quelle partie de son corps.

 

Marc qui a joué le rôle de commissaire durant le Championnat de France 2019 se souvient de sa rencontre avec une torpille ocellée !

 

Qu’ils pratiquent la pêche du bord (calée, surfcasting) ou en bateau, tous les pêcheurs peuvent être confrontés à la capture accidentelle de ce poisson car la torpille ocellée peut également être pêchée directement au ver. Ainsi, alors que Marc Puig jouait le rôle de commissaire durant le championnat de France 2019, il a dû en mesurer une prise par un compétiteur au ver de sable.

 

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Vers de sable Normandie Appâts

 

Marc en train de mesurer sur sa toise une torpille ocellée…juste avant un puissant choc électrique !

 

À la différence d’autres raies, celle-ci doit être mesurée de la tête à la queue – ce qui a exigé de nombreuses manipulations. Inutile de dire qu’il s’en souvient encore car même avec beaucoup de précautions, ce poisson lui a envoyé de puissantes décharges !

 

Tenir la torpille ocellée par le bas de ligne comme Mathieu permet d’éviter les décharges électriques

 

Cette espèce ne présentant aucun intérêt gustatif doit être libérée avec beaucoup de précaution – le pêcheur sportif étant respectueux de la nature. Encore ici, l’utilisation d’un fish grip ou maintenir ce poisson pour la photo uniquement par le bas de ligne vous évitera de subir ses puissants chocs électriques. Même si aucun décès n’a été enregistré à cause de cette raie, la puissance des impulsions qu’elle peut produire vous invitera à une légitime prudence. Comme dit le vieil adage : « un homme averti en vaut deux ! ».