Chapons et sébastes : les « poissons scorpions » !

Publié le vendredi 20 novembre 2020 par Stéphane Charles
  • Technique de pêche

 

Joël tenant un magnifique chapon avec un fishgrip

 

La famille des scorpénidés regroupe dans le monde près de 350 espèces dont 80 sont venimeuses. L’origine même du nom Scorpanea provenant du grec scorpio signifiant scorpion montre bien que ces poissons sont depuis longtemps associés au venin qu’ils produisent. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle cette famille est également nommée « poissons scorpions ». Et parmi les scorpénidés, les chapons et les sébastes sont des poissons benthiques vivant dans des fonds importants qu’il est fréquent de pêcher en bateau. En grande profondeur, les sébastes sont même très communs et il n’est pas rare d’en pêcher des quantités importantes. Mais même si ces poissons peuvent paraître assez ordinaires sur nos côtes, sachez néanmoins qu’il est nécessaire de les manipuler avec soin car ils peuvent être dangereux. Ainsi, comme tous les scorpénidés, ils possèdent des épines qui sont venimeuses. Et outre la très vive douleur qu’elles peuvent provoquer lors d’une piqure, le risque d’un choc anaphylactique grave est toujours présent.

Retrouvez dans cet article tout ce qu’il faut savoir sur ces poissons ainsi que la façon de les manipuler en toute sécurité.

 

 

Le sébaste : un scorpénidé très commun

 

Le sébaste est également appelé sébaste-chèvre

 

Nom scientifique : Helicolenus dactylopterus. 
Famille : Scorpaenidae (scorpénidé ou « poisson scorpion »)
Noms communs : Sébaste-chèvre, sébaste de Méditerranée, rascasse du nord etc.

 

Nicolas avec un sébaste pris au madaï jig boosté avec de l’appât

 

Le sébaste-chèvre est un scorpénidé (ou « poisson scorpion ») et il fait donc partie de la même famille que le chapon ou la rascasse. Mesurant en moyenne 20 à 30 cm, il peut dépasser les 45 cm une fois adulte. Ce poisson vit généralement dans des profondeurs de plus de 50 m et il est surtout présent dans les fonds supérieurs à 100 m. Il peut d’ailleurs se trouver dans des profondeurs situées entre 200 et près de 600 m. C’est un poisson benthique – c'est-à-dire qu’il vit et se nourrit directement sur le fond. Il apprécie les fonds rocheux car il peut facilement s’y cacher pour chasser à l’affût de petites proies. Ses populations sont très importantes sur certains secteurs et il n’est pas rare d’en pêcher en grands nombres. Il est facilement reconnaissable par sa large pupille noire en forme d’amande cerclée de jaune doré. Sa livrée est orangée avec des bandes transversales rouges.

 

 

Connaître le chapon

 

Énorme chapon pris par Maurice !

 

Nom scientifique : Scorpaena Scrofa
Famille : Scorpaenidae (scorpénidé ou « poisson scorpion »)
Noms communs : rascasse rouge, grande rascasse rouge, crapaud de mer, scorpène (ou scorpèno), capoun (Provence, Languedoc), escorpe (Roussillon), cappone (Corse), etc.

 

Le chapon est un carnassier pouvant dépasser les 60 cm et qui peut atteindre un poids avoisinant les 4 kg. Ce poisson est trapu avec une tête disproportionnée par rapport à son corps et une gueule très large. La couleur voyante des chapons varie grandement en fonction de son environnement. Il passe ainsi du rose à un rouge vif pouvant tirer sur le rouge brique ou encore du jaune citron à l’orange. Les dominantes rouges ou orange sont les plus fréquentes car ce sont généralement les couleurs des algues et les coraux présents dans les profondeurs où il vit. Afin de se fondre encore davantage dans son environnement, le corps du chapon est recouvert de lambeaux cutanés qui estompent sa silhouette et lui donnent cette apparence de dragon si caractéristique. Grâce à ce camouflage, ce prédateur benthique attend en embuscade une proie de passage. Son attaque est rapide mais sur une distance courte. Avec son énorme gueule, il est capable d’avaler des proies très grosses au regard de sa taille.

 

Réglementation :

Il semble que ces chapons soient largement maillés !

Selon l’arrêté du 29 janvier 2013, la taille minimale de capture du chapon est de 30 cm. De même, selon l’arrêté du 17 mai 2011, chaque prise devra « faire l’objet d’un marquage » Ce marquage consiste en l’ablation de la partie inférieure de la nageoire caudale. »

 

 

Montage pour pêcher sébastes et chapons

 

Il serait bien illusoire de penser qu’on puisse uniquement sélectionner sébastes et chapons avec un montage pêche à l’appât. Ils seront donc recherchés avec un montage spécial pêches profondes qui vous permettra également de pêcher d’autres espèces comme les pagres, les merlus, les mostelles, etc. Voici une sélection de montages utilisés avec succès par le team Normandie Appâts. Vous noterez que bien que de petite taille par rapport à un chapon ou un gros pagre, le sébaste se pêche très bien avec de gros hameçons car il a une grande gueule.

 

Montage Octopus gros poissons / pêche profondes

 

Montage collé gros poissons / pêches profondes

 

 

Les bons appâts pour pêcher sébastes et chapons

 

Bibis Normandie Appâts
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Le Bibi est un des appâts roi pour les pêches profondes. Sa peau très résistante supporte bien les attaques des petits poissons indésirables si nombreux dans ces fonds. Avec sa forte section, il représente également une très grosse bouchée. Deux critères qui permettront d’attendre les plus beaux poissons.

 

Joli doublé de gros chapons pour Joël et Nicolas !

 

Rags Normandie Appâts
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Ce ver est très charnu et lorsqu’il est esché de telle manière que la tête se retrouve au niveau de la pointe de l’hameçon, il offre une très bonne tenue. Les sucs qu’il diffuse sont très puissants et attirent les poissons sur des distances importantes. Vous noterez que ce ver diffuse une très légère phosphorescence visible par les poissons dans l’obscurité des abysses.

 

Des lanières sont découpées dans le manteau de ce calamar

 

Lanières et tentacules de céphalopodes sont d’excellents appâts pour ces pêches profondes. Leurs effluves attractifs se diffusent sur de grandes distances et leur couleur blanc nacré est très efficace sur ces poissons de grands fonds.

 

Maurice avec un doublé de sébastes

 

 

Les effets du venin du sébaste et du chapon

 

Un sébaste est capable d’infliger une piqure très douloureuse !

 

Les sébastes et les chapons possèdent un venin puissant dans des glandes qui se trouvent dans leurs épines creuses. Ce venin n’est pas propulsé et c’est la pression de la victime elle-même sur l’épine qui le fait sortir. Ces épines venimeuses sont céphaliques (au niveau de la tête), dorsales, operculaires, pectorales, pelviennes et anales. Ce venin est composé de protéines toxiques au poids moléculaire élevé, d’acétylcholine, de sérotonine, d’histamine, d’émolysine et d’enzymes. Il possède une action cardio-vasculaire, des propriétés neurotoxiques et il détruit même les globules rouges (propriété hémolytique).

 

Allergique, Laurent a déjà fait un choc anaphylactique après une piqure et il se méfie donc de ces poissons venimeux !

 

La toxicité du poison se mesure par la « dose létale médiane » (DL 50) capable de tuer un mammifère. Elle est calculée en milligramme par kilo. La DL 50 du chapon et du sébaste est de 2,6 mg / kg chez la souris – ce qui est considérable ! La piqure provoque tout d’abord une douleur intense qui irradie au fur et à mesure à tout le membre. Cette douleur peut devenir syncopale et faire gonfler jusqu’à plus de deux fois le membre touché tout en causant une forte montée de fièvre. La zone piquée peut alors devenir un œdème violacé qui ne disparaît pas avant 48 h. Un des principaux dangers est un choc anaphylactique chez les personnes allergiques – celui-ci pouvant aller jusqu’au coma. Le venin peut se propager aux articulations et mener à une déformation articulaire invalidante (algodystrophie). Il peut également entraîner des troubles du rythme cardiaque et une étude australienne a démontré que les risques de crises cardiaques chez les personnes ayant des problèmes cardio-vasculaires sont alors importants.

 

Imaginez la dose de venin qu’un chapon de cette taille peut inoculer !

 

Mais il faut considérer qu’à puissance égale, c’est bien la dose de venin injectée qui importe principalement. « C’est la dose qui fait le poison » disait Paracelse (Philippus Aureolus Theophrastus Bombastus Von Hohenheim) – le fondateur de la toxicologie. Et dans le cas d’un gros chapon, une piqure profonde où la victime a beaucoup appuyée sur l’épine liée à la glande à venin peut se voir inoculer plus de 10 fois la dose d’un petit sébaste. Imaginez la douleur et les conséquences possibles ! Soyez donc très attentifs et ne prenez jamais la manipulation de ce poisson à la légère.

 

 

Ces poissons scorpions à manipuler avec précaution

 

Gros sébaste tenu par le bas de ligne

 

Veillez toujours à tenir vos mains à distance du corps de ces poissons car un accident est vite arrivé ! Pour la photo d’usage, il est ainsi possible de tenir le bas de ligne ou le leurre ayant servi à la prise du poisson.

 

La prise par la gueule reste une des plus sécurisantes pour les poissons venimeux tels que ces sébastes

 

Une astuce pour tenir votre prise en toute sécurité est aussi de le saisir fermement avec le pouce dans la gueule (prise nommée « prise black bass »). Sachez néanmoins que si les dents d’un sébaste sont si minuscules qu’on ne les sent presque pas, ce n’est pas le cas du chapon dont les petites dents sont très pointues. Celles-ci peuvent donc laisser de profondes éraflures sur le pouce (néanmoins sans danger).

 

Joël tient son chapon par le leurre et Mathieu utilise un fish grip pour le sien

 

Une bonne solution est également d’utiliser un « fish grip » dont la pince est conçue pour tenir la mâchoire inférieure de votre prise. Avec son allonge de plusieurs dizaines de centimètres, elle permettra d’éloigner la main porteuse des dangereuses épines. Soutenir le poisson avec l’autre main sous le ventre en prenant garde aux épines anales permettra d’éviter de casser la mâchoire du poisson et donc de le relâcher dans de meilleures conditions.

 

Une pince dégorgeoir permet d’enlever l’hameçon facilement en gardant les mains loin des épines

 

Votre prise tenue par la gueule à la main ou avec un fish grip, enlever l’hameçon avec une autre pince sera plus facile et garantira votre sécurité car le poisson bouge alors beaucoup moins. Vous pouvez ainsi utiliser une simple pince à anneau brisé ou une pince à bec longue. Une excellente solution pour enlever un hameçon profondément engamé et difficilement atteignable (ex : dans l’œsophage) est également d’utiliser une pince dégorgeoir. Une fois que le crochet enserre l’hameçon, il suffit de pousser pour l’enlever des chairs puis de le retirer. C’est très pratique et hyper sécurisant !

 

Les parents de Swan lui ont appris qu’il faut se méfier des épines des chapons et il tient ce chapon par le leurre

 

Même lorsqu’un chapon ou un sébaste est mort, il peut être dangereux durant son conditionnement en glacière, lors de son transport ou encore lors de sa préparation pour une recette. En effet, sachez que le venin conserve toutes ses propriétés actives pendant 48 h – même lorsque le poisson est congelé puis décongelé ! Attention donc quand vous mettez la main dans votre glacière. Soyez également attentif lors du transport de vos prises transférées dans un sac plastique lors du partage car les épines acérées transpercent avec facilité le film fin. Nous avons ainsi vu une personne se faire piquer en se saisissant du sac à pleine main. De même, soyez également très attentif quand vous videz le poisson ou que vous levez les filets.

 

Ce pêcheur a eu recours de nombreuses fois à l’astuce de chauffer la zone piquée par un poisson venimeux !

 

Une excellente solution sera de couper avec de forts ciseaux ces épines quand vous êtes à bord et de les jeter à l’eau. Sachez qu’en cas de piqure, le venin est thermolabile – c'est-à-dire que ses principes actifs sont détruits par une simple source de chaleur supérieure ou égale à 50 °. Il faudra néanmoins l’appliquer en moins de 3 à 4 mn car sinon le venin aura trop circulé dans le sang. Une bonne solution est alors d’approcher avec prudence la flamme d’un briquet. Vous pouvez également tremper la zone dans un liquide chaud (ex : le café dans un thermos). Une bonne solution est aussi d’appliquer une petite chaufferette chimique. Elles sont très économiques et peu encombrantes. En avoir toujours à bord dans la trousse de secours sera donc très astucieux.

 

 

Histoire vécue !

 

Comme avec ce chapon, la prise par la gueule permet de garder la main éloignée des épines venimeuses

 

Les sébastes sont si abondants sur certains secteurs qu’il n’est pas rare d’en pêcher plusieurs dizaines par session. Ils sont si communs dans des zones rocheuses situées à plus de 100 m de fonds qu’on s’habitue donc à leur présence. On peut alors baisser sa méfiance à force d’en manipuler. C’est alors que les erreurs d’inattention surviennent et elles peuvent avoir des conséquences très…douloureuses ! Ainsi, nous avons vu deux pêcheurs avertis faire la même erreur l’un après l’autre dans la même journée : plonger la main dans la glacière sans faire attention et se faire piquer par l’épine d’un de ces scorpénidés. Le premier n’a heureusement eu qu’une piqure superficielle. Mais n’ayant pas eu le temps d’appliquer une source de chaleur assez rapidement, le venin s’est vite propagé dans sa main. La douleur a été vive pendant au moins une heure.

 

Même un petit sébaste tel que celui-ci peut occasionner des piqures très douloureuses et Nicolas s’en souviendra longtemps !

 

Le second a eu moins de chance puisqu’en voulant bouger les poissons pour mieux voir les plus gros, il s’est malheureusement planté une épine juste sous l’ongle ! Cet homme sportif et de forte constitution a un peu trop attendu en pensant que la douleur passerait. Il a donc tardivement trempé son doigt dans une tasse d’eau chaude mais le poison s’était déjà diffusé dans son sang. Il a ainsi dû passer plusieurs heures allongé car il ne tenait plus débout tant la douleur était intense. Soyez donc très attentifs aussi bien quand vous tenez ces poissons que lorsque vous les manipulez dans la glacière !

 

 

Les poissons scorpions : dangereux mais…délicieux !

 

Apprenez aux enfants à bien tenir sébastes et chapons !

 

Le venin des scorpénidés étant thermolabile, cette substance est entièrement détruite par la cuisson. Tant mieux car ces poissons sont excellents ! Si tout le monde connaît la valeur culinaire du chapon, peu de pêcheurs savent combien le sébaste est un poisson savoureux. Il est ainsi délicieux préparé en soupe mais il est également succulent juste découpé en filets et passé à la poêle ou à la plancha. Sa chair est alors ferme et fine et celle-ci peut être assaisonnée à votre guise. Concernant le chapon, c’est certainement un des meilleurs poissons de Méditerranée ! Depuis l’antiquité, il est considéré comme un met de choix puisque son nom scientifique « Scrofa » signifie « truie engraissée » en latin. En français, le nom même de chapon renvoie aux volailles castrées et engraissées de nos basse cours. C’est dire combien son nom même montre la qualité de sa chair ! Sachez d’ailleurs que le chapon est considéré comme le met de choix dans la célèbre bouillabaisse depuis le XVIIème siècle. Ainsi, le « Dictionnaire de la Provence et du comté-venaissin » nommé également « Dictionnaire des marseillais » en parle dès 1785. Comme quoi on peut être dangereux mais…délicieux !